Me voilà partagée entre l'anecdotique et l'artistique ... pour l'exposition "Cornucopia" qui a lieu au Musée Océanographique de Monaco jusqu'à fin septembre 2010.
A l'occasion du centenaire du musée, une rétrospective est consacrée à l'artiste Damien Hirst, avec une soixantaine de ses œuvres ainsi que quelques nouvelles sculptures qui couvrent une quinzaine d'années de sa carrière. Connu pour son fameux "Veau d'or" enfermé dans un aquarium rempli de formol, l'artiste a déclaré à l'occasion de cette manifestation "qu'il n'a jamais été aussi facile de faire de l'art" et l'on n'en doute pas !
Accueillis par une minuscule colombe blanche "After the Flood" suspendue comme par magie, nous débouchons sur le fameux squale "Immortal 1997-2005" (ci-dessus) entouré par quelques vitrines dont deux Stills avec des instruments dont on devine aisément l'usage et qui font un peu froid dans le dos. Au palier du premier étage, un cabinet de curiosité moderne, en acier inoxydable de 9 mètres de long, renferme une superbe collection de papillons, de scarabés et d'insectes (il y en aurait 3.502 !) qui nous fait face "The Forgiveness". Dans les deux grandes salles et mezzanine à cette étage d'autres séries de tableaux avec des papillons qui s'insèrent tellement bien dans le musée que dans un premier temps on ne les remarque pas vraiment. J'oubliais un petit soupoudrage de toile sur les vanités, ici "Beautiful Vertummus Stream of
Consciousness Painting" (ci-contre) et quelques sculptures devant le musée, la terrasse et le Musoir de la Digue du Port de Fontvieille (et même sur la terrasse on ne parvient quasiment pas à "voler" une photographie, gardien de sécurité oblige).
Comme vous avez peut être pu le comprendre, j'ai été un peu déçue par cette exposition (1) (2). Indéniablement on sent que l'artiste est "fasciné par le Musée, son ambiance, son architecture et la diversité de ses collections", et ses œuvres se fondent parfaitement dans cette ambiance, mais justement peut être de trop. On ne ressent pas d'émotion particulière devant les deux requins alors que quelques mètres plus bas l'émotion est là, palpable, derrière les vitres des aquariums. Finalement l'univers de Damien Hirst met à la portée de tous les sempiternels bocaux de formol ou les cartons de rangement que l'on peut voir au Muséum National d'Histoire Naturelle même si parfois quelques œuvres se rapprochent plus de l'environnement médical ou sont plus difficilement supportables par le public (comme le mouton coupé en deux dont on voit les entrailles), so wait ...
(1) Un diaporama de l'exposition et l'exposition "Cornucopia" au British Museum en 2008
(2) Une vidéo sur l'exposition
Chère Myriam,
Votre recension précise et nuancée de cette exposition me confirme dans une certitude, celui de l'effacement d'une véritable démarche artistique devant le culte du "coup" médiatique, de l'événementiel qui masque la vacuité du propos. Quitte à passer, comme d'habitude, pour un épouvantable rétrograde, je pense que pas grand chose ne restera, dans une centaine d'années, des productions engluées dans l'instantanéité d'un Damien Hirst ou d'un Jeff Koons, alors que l'on continuera à être ému par Rogier van der Weyden ou Georges de La Tour. Pourquoi ? Sans doute parce que le regard de ces derniers n'était pas aveuglé par les lois du marché (même si nombre d'entre eux furent âpres au gain, je ne suis pas en train de faire de l'angélisme) et qu'ils faisaient primer, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui (les articles que vous avez mis en lien sont éloquents), les lois de l'art sur celles du commerce.
Bien amicalement.
Rédigé par : Jean-Christophe Pucek | 04 septembre 2010 à 08:59
Pour ma part je trouve ce genre d'artiste plus intéressé par de la provocation médiatique (les animaux découpés) que par le beau.
Mais, bon, c'est un avis personnel...
Rédigé par : Louvre-passion | 05 septembre 2010 à 15:18
oui c'est vrai, il y a une question de mauvais gout, un mélange de tragédie américaine s'inspirant de tragédie grecque. entre la cicconilla de jeff koens et les animaux découpés de Damien Hirst, il y a 60 cm dans l'espace et 0 cm dans le gout.
Rédigé par : suisfatigué | 06 septembre 2010 à 11:25
@ Bonsoir cher Jean-Christophe,
C'est vrai qu'en visitant cette exposition je me suis interrogée sur la vacuité ou non du propos. Et je ne suis pas persuadée que ce lieu d'exposition renforce le propos de l'artiste, au contraire pour moi il lui fait perdre de sa force.
Je pense que de tout temps l'art et l'argent ont fait bon ménage, "mais on a aujourd'hui changé d'échelle, changé de monde. Comme le souligne Judith Benhamou-Huet, spécialiste du marché de l'art, citée par Isabelle de Maison Rouge (« Dix clefs pour collectionner l'art contemporain », ed. Archibooks, 2008) :
« Le principe de base, c'est que les artistes doivent vendre pour vivre, la chose la plus choquante est que ce besoin d'argent des artistes se soit transformé en véritable marché. Mais il existe deux mondes autonomes, celui du marché, et celui de l'art, avec des valeurs et des reconnaissances qui ne sont pas toujours les mêmes. Ces deux mondes se croisent et en ce moment, “c'est le marché qui a gagné sur l'art‘, comme le dit [l'artiste belge] Wim Delvoye’.
Rédigé par : myriam | 06 septembre 2010 à 19:19
@ Bonsoir Louvre-passion, ce qu'il y a de paradoxal dans cette exposition c'est que la partie provocation apparaît finalement bien maigre et alors que reste-il ? pas grand chose, enfin de l'ordinaire...
@ Je ne me permettrais pas de comparer entre la Cicciolina de Jeff Koons et les animaux découpés de Damien Hirst, mais c'est vrai que ces deux artistes présentent un certain nombre de points communs (cf. cet article http://www.rue89.com/2008/09/14/hirst-et-koons-le-triomphe-des-artistes-businessmen )
Rédigé par : myriam | 06 septembre 2010 à 19:42