Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
Grant Wood (1), Stone City, Iowa (2), 1931,
huile sur toile, Joslyn Art Museum, Nebraska
« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, / Je dirai quelque jour vos naissances latentes. » On a proposé bien des explications pour cette couleur des voyelles, la plus plausible demeurant, semble-t-il, la solution anatomique. Le sonnet de Rimbaud ne serait rien d’autre qu’un blason du corps féminin, dans la tradition de la galanterie énigmatique. A, la vulve (« noir corset velu... »), E, les seins (« lances des glaciers fiers... »), I, la bouche (« rire des lèvres belles... »), mais, comme il est bien difficile de trouver à la surface du corps le moindre signe vert, hormis la pupille (mais celle-ci est confisquée par « O bleu »), on ne voit pas comment le jeune Arthur a pu s’acquitter de sa gageure érotique. « U, cycles, vibrements divins des mers virides, / Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides / Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux. » Soit : 1) les « cycles » (végétaux ?), qu’on verrait plutôt circulaires (O) ; 2) l’ondulation des « mers virides » ; 3) la verdure des prairies ; 4) les rides (en U ?), mais, outre que celles-ci ne sont pas spécialement vertes, ces « grands fronts studieux » n’ont rien de féminin.
J’ai publié autrefois un roman, dont cinq chapitres avaient pour titres les voyelles de Rimbaud. Je viens de relire « U vert », où l’héroïne, Cécile, se promène au printemps le long du canal du Berry. Tout y est placé sous le signe du vert, les peupliers, leurs reflets, le chemin de halage, les mousses à la surface de l’eau, la graminée que suçote la jeune fille. C’était vraiment ma « journée verte ». Hélas, trente ans après, je ne discerne plus la raison de ce U. Et pourquoi serait-il vert ? Mystère. (3)
(1) Un article très intéressant sur le blog De la peinture sur Grant Wood
(2) Un clin d'œil à Joye l'Iowagirl !
(3) Écrits d'Alain Roger
La couleur verte me paraît naturelle, évidente pour la lettre U parce que le vert commence par la lettre V, et autrefois le U et le V étaient confondus, indifférenciés. Mais là l'explication serait trop simple ! Le U est féminin, u comme utérus, u comme ubérale ( adjectif uniquement féminin ) u qui a la forme du réceptacle féminin caché derrière le A corset noir et velu ... et ce u féminin est donc lié à la naissance, la renaissance printanière, la verdure. Les vibrements des mers virides feraient allusion au flux, au cycle féminin ... Bon, tout ça n'est que mon bavardage ! En effet, les grands fronts studieux et ridés ne sont pas spécialement féminins !
Rédigé par : grillon | 25 août 2010 à 22:15
Excellent, merci beaucoup !
La maison qui sert de fond pour "American Gothic" ne se trouve pas très loin de chez moi.
J'aime aussi le Joslyn à Omaha. Il est très chouette.
Merci encore. Bises.
Rédigé par : joye | 26 août 2010 à 00:38
Chère Grillon, au travers des vibrements divins des mers virides, puis des grands fronts studieux et ridés, je vois aussi l'illustration du cycle de vie qui passe de la jeunesse à la vieillesse ...
Et ce matin j'y ai trouvé comme une résonance sur le blog de Brigetoun, dernier paragraphe du billet http://brigetoun.blogspot.com/2010/08/passer-des-heures-des-jours-cloue-entre.html
Rédigé par : myriam | 26 août 2010 à 22:36
Coucou Joye, j'espère que ta journée a été excellente !
Bises
Rédigé par : myriam | 26 août 2010 à 23:16
Je ne connaissais pas (je ne suis pas une fine connaisseuse de peintres et peintures) ce Monsieur Grant Wood, mais j'aime beaucoup.
Rédigé par : marie-neige | 28 août 2010 à 19:22
J'aime beaucoup ce paysage auquel je trouve indéniablement un côté féminin et, en même temps, un côté joyeux alors que nombre de ces autres toiles me semblent plus austères.
Rédigé par : myriam | 29 août 2010 à 13:23