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Titres décalés (1), jeux avec les mots et les images, puisque définitivement "ceci continue de ne pas être une pipe", René Magritte nous emporte dans un monde réel mais totalement inconnu.
C'est le cas avec ce paysage très banal, quelques montagnes au loin, une eau calme, un bout de terre, nous sommes sur "L'Île au Trésor" (1942) et des oiseaux (que l'on retrouve très souvent dans l'œuvre de Magritte) mais ici ils remplacent le végétal, ce sont des oiseaux-feuilles : "si l'on imagine des jeunes filles en fleurs, on peut également admettre des oiseaux en fleurs. L'apparition de cet oiseau est agréable comme au lever du soleil" dixit Magritte. Et sous un ciel partiellement nuageux, ils semblent apporter sous leurs ailes protectrices un havre de réconfort.
Rapprochement inattendu de la terre et du ciel au travers du corps d'une femme et c'est ce très beau tableau "La magie noire" peint en 1945 qui n'est pas sans rappeler certaines toiles de Salvador Dali où "Magritte transforme la chair de la femme en ciel, il fait, dit-il, "un acte de magie noire"" (2).
Très souvent aussi avec Magritte, nous retrouvons une note humoristique. Il n'y a qu'à voir son interprétation de "La Joconde" ou "La Poitrine" ci-dessous s'il fallait encore en être convaincu ! Voilà que je ne peux que vous inciter à venir jusqu'à Bruxelles pour embarquer dans l'univers si décalé et poétique de Magritte !
"Je n'ai pas le sentiment "d'ajouter" quelque chose au monde, où irais-je prendre ce que j'ajoute sinon dans le monde ?"
(1) "Ses peintures jouent souvent sur le décalage entre un objet et sa
représentation. Par exemple, un de ses tableaux les plus célèbres est
une image de pipe sous laquelle figure le texte « Ceci n’est pas une
pipe » (La Trahison des images, 1928-1929).
Il s’agit
en fait de considérer l’objet comme une réalité concrète et non pas en
fonction d’un terme à la fois abstrait et arbitraire. Pour expliquer ce
qu’il a voulu représenter à travers cette œuvre, Magritte a déclaré :
« La fameuse pipe, me l’a-t-on assez reprochée ! Et pourtant,
pouvez-vous la bourrer ma pipe ? Non, n’est-ce pas, elle n’est qu’une
représentation. Donc si j’avais écrit sous mon tableau « ceci est une
pipe », j’aurais menti ! » Extrait de Wikipédia
(2) Cf. Magritte aux Musées des Beaux-Arts de Belgique, p. 52
(3) En complément, la Fondation Magritte, voir la galerie virtuelle et une vidéo sur le musée, ici
Demain, je montrerai ton article à mon grand - thanatos - c'est un de ses peintres préférés. MERCI pour cet article tellement intéressant.
Rédigé par : AD-Mary44 | 18 juillet 2010 à 23:16
Bonne lecture à ton grand alors ! Et puis je te conseille, je vous conseille vraiment l'escapade à Bruxelles (Bozar, Musée Magritte et ne pas oublier Tintin !) :o)
Rédigé par : myriam | 19 juillet 2010 à 23:43
Ce que dit Magritte, chère Myriam, me fait penser à deux choses, en tout premier à cette phrase de Mallarmé "Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets." (Crise de vers, 1886-92-96), qui nous dit l'impossibilité, pour la langue de rendre compte pleinement de la réalité, et, ensuite, à cette notion de "réalisme" ou de "réalité" qu'on attache, à mon sens très abusivement, à la peinture. L'art n'est jamais le reflet exact de la réalité, juste une vue partielle et partiale d'un moment du temps donné, transmise par un homme donné, etc. De quoi faire carburer les méninges ;o)
Bien amicalement et merci pour ces deux beaux billets.
Rédigé par : Jean-Christophe Pucek | 22 juillet 2010 à 16:37
Cher Jean-Christophe, je n'osai vous le dire, vous nous faites sacrément carburer les méninges ;-) Et vos propos m'ont fait penser à cette phrase de George Pérec "Tout tableau ... et surtout tout portrait, se situe au confluent d'un rêve et d'une réalité."
Merci encore pour votre passage sur ces deux billets.
Bien amicalement.
Rédigé par : myriam | 27 juillet 2010 à 00:05