... suite et fin
Désormais, les squelettes et les masques accompagnent l'œuvre de James Ensor (1), ce peintre qui ose se moquer de tout y compris de la mort.
Faut-il le rappeler ses parents étaient marchands de souvenirs à Ostende (jouets, bibelots, coquillages, objets exotiques, masques de carnaval) et cela a nourrit son imagination (2). "Mon enfance a été peuplée de rêves merveilleux et la fréquentation de la boutique de la grand-mère toute irisée de reflets de coquilles et des somptuosités des dentelles, d'étranges bêtes empaillées et des armes terribles de sauvage m'épouvantent ...".
Dans ce tableau "L'Etonnement du masque Wouse" peint en 1889, une vieille femme s'apprête à partir défiler pour le carnaval (le carnaval d'Ostende), mais existe-t-elle vraiment ? N'est-ce donc pas plutôt un squelette que l'on aurait affublé à la hâte de quelques vêtements et d'une ombrelle rouge ? Ses pieds semblent surgir de nulle part, ses mains trop petites et son nez grotesque (d'où coule de la morve) renforcent cette impression, d'autant plus que le sol est jonché de masques abandonnés et de têtes de mort, alors que des spectateurs masqués surgissent sur les deux côtés de la toile (à noter le superbe masque de théâtre nô en haut à droite, masques dont il possédait une collection). "C'est précisément ce réalisme incertain et ambigu des objets, des joyeux "carnavaliers" ou des chimères et démons, qui s'avère crucial dans les mascarades grotesques d'Ensor, leur conférant un aspect irréel caractéristique à partir de 1887" (3).
Son goût pour la provocation et la farce, ce réalisme incertain, nous le retrouvons dans bon nombre de ces tableaux, comme dans cette toile "L'Intrigue" (1890). Exposée à hauteur de
notre regard, nous sommes conviés à rejoindre ce cortège qui se rend au carnaval, à moins que cela ne soit celui du mariage de sa sœur Mariette avec un marchand d'art chinois, l'enfant au premier plan étant sa nièce. Harmonie de couleurs vives et crues, cette toile dénote d'un travail extraordinaire de finesse. Par les masques, à la fois il
cache et il met en lumière la caricature de l'humanité.
Allant jusqu'à pratiquer l'auto-dérision avec jubilation comme c'est le cas avec ces deux "Squelettes se disputant un hareng-saur" (1891, huile sur bois, 16 x 21,5 cm),
où il se représente lui-même (l'Art Ensor = "hareng saur") déchiqueté
par deux critiques, sa critique de la bourgeoisie, de la société, de
l'ordre établi peut être féroce !
S'inscrivant dans la lignée du grotesque et de la fantaisie présente dans la peinture flamande comme chez Jérôme Bosch ou Peter Brueghel et incarnant comme nul autre l'expressionnisme flamand, "il a jeté à bas toutes les conventions, poussant dans leurs retranchements le dessin et la gravure, renouvelant la veine de la satire et du grotesque, dans un pie de nez aux avant-gardes de son époque. Burlesque, déroutant, insoumis, son art, aujourd'hui encore, se reconnaît entre mille" (3 et 4).
(1) Un aperçu très complet des œuvres d'Ensor
(2) Découverte de l'univers d'Ensor, sa maison-musée à Ostende
(3) Dossier de l'art, n° 168, "James Ensor - Exposition au Musée d'Orsay", dans l'ordre p.32 et p.13
(4) Billets sur le blog d'Alice au pays des arts "James Ensor, prince des peintres" et sur le blog de la Dilettante "James Ensor - Le maître du fantastique"
Voici bien longtemps à Prague, dans la vitrine de la rue Nerudova, une petite sculpture de Bourdelle, un cri, me narguait, gueule ouverte. Elle n'était alors pas bien chère, mais je n'ai jamais voulu l'acheter. Un cri, pensai-je, ne se possède pas.
Lorsque je vois, aujourd'hui, ces visages de "l'intrigue" de James Ensor, que je lis votre beau texte, je sais que j'ai eu raison de le laisser là-bas ce cri. Il est ici multiplié, vivant, furieux et hurleur ; il rutile de couleurs; il vit sa vie, "burlesque, déroutant, insoumis" oui, vos mots sont si justes, les seuls qui conviennent. Merci Myriam
Rédigé par : Paul | 17 janvier 2010 à 20:43
Je le préférais à ses débuts mais je reconnais son talent. "L'intrigue" est néanmoins superbe... et intriguant. Ces gens masqués donnent l'impression de moquerie pour celui qui les regarde...
Rédigé par : Tilleul | 17 janvier 2010 à 20:47
Merci Paul ! Je ne mérite pas tous ces compliments, ces mots "burlesque, déroutant, insoumis" que vous trouvez si justes sont dans le dossier Connaissance des Arts sur James Ensor.
Rédigé par : myriam | 17 janvier 2010 à 22:26
Oui, ce tableau est vraiment superbe et a été récemment restauré http://www.exxonmobil.nl/Benelux-French/Newsroom/Publications/20060420_reflexHTM_FR/lintriguedejamesensor.htm et tel qu'il est accroché, à hauteur de notre regard, nous avons l'impression de côtoyer ces passants et leurs sarcasmes ...!
Rédigé par : myriam | 17 janvier 2010 à 22:44
Ses tableaux ne me plaisent pas du tout (inculte sans goût que je suis), mais j'aime BEAUCOUP ta narration !!!
Rédigé par : joye | 19 janvier 2010 à 15:21
Comment cela tu n'aimes pas ?! ;-)!
Merci pour ton compliment sur ma narration ! ♥
Rédigé par : myriam | 19 janvier 2010 à 15:49
voici le nouveau lien pour mon article sur James Ensor : http://aliceaupaysdesarts.blogspot.com/2009/10/james-ensor-prince-des-peintres.html
bien à vous
alice
Rédigé par : alice | 18 juin 2010 à 14:49
Merci Alice, je modifie le lien.
Bien à vous.
Rédigé par : myriam | 18 juin 2010 à 23:51