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Ses recherches sur la lumière mènent James Ensor a une série d'immenses dessins (inspirés des eaux fortes de Rembrandt), six au total, intitulés "Les Auréoles du Christ ou les Sensibilités de la lumière" qu'il expose au salon des XX de 1887. Ces six visions de la lumière "évoquent des sentiments tantôt gais, tantôt tristes, intenses, vifs, crus ou encore sereins, et replacent les épisodes de la vie du Christ dans le contexte personnel de l'artiste" (1).
Ainsi "La Vive et Rayonnante. L'entrée du Christ à Jérusalem" (2), ci-contre, impressionne par sa taille, la multitude des détails (par exemple sur l'ensemble des banderoles, Salut Jésus roi des Juifs, les Impressionnistes, les XX, Mouvement flamand, Hip Hip Hip Hurrah !, charcutiers de Jérusalem, ...), la foule au premier plan dont on ne distingue que les visages, et le Christ qui a les traits de l'artiste. "La scène, qui se déroule sur un des grands boulevards bruxellois de l'époque, mêle le religieux, le politique et l'artistique en un mouvement où règnent la révolte et le besoin de renouveau" (1). Mais une fois de plus, Ensor rencontre l'incompréhension de ses contemporains, y compris au sein du groupe des XX dont il est l'un des fondateurs, alors que la toile "Un dimanche après-midi à l'Ile de la Grande Jatte" présentée par Seurat lors de ce salon emporte l'enthousiasme.
Dès lors l'artiste va se réfugier derrière ses masques et ses squelettes. En 1889, il peint l'immense toile "Entrée du Christ à Bruxelles" (2,58 x 4,30 m, soit presque 10 m2 de toile, Los Angeles, The Paul Getty Museum) dans son atelier en réponse à la fameuse toile de Seurat. Plus tard, en 1933, il se représentera devant son harmonium avec la toile en arrière-plan. "Ici il y a à noter une évolution de ma manière. Pour arriver à rendre les tons riches et variés, j'avais mélangé toujours les couleurs. Malheureusement ces mélanges ont altéré certaines couleurs et quelques peintures ont noirci. J'ai modifié alors ma manière et appliqué les couleurs pures. J'ai cherché logiquement les effets violents, surtout les masques où les tons vifs dominent. Ces masques me plaisaient aussi parce qu'ils froissaient le public qui m'avait si mal accueilli" (3).
à suivre ...
(2) Pastel noir et marron et papiers collés marouflés sur toile, 206 x 150,3 cm, Gand, musée des Beaux-Arts, © ADAGP, Paris 2009
(3) Propos de James Ensor en 1898
Ah, très intéressant !
Je me demande toujours pour les also-rans, à savoir les gens de talents qui se font éclipser par d'autres qui savent mieux frapper dans l'oeil du public. Pareil pour les écrivains. Très intéressant.
Merci !!!
Rédigé par : joye | 14 janvier 2010 à 14:45
Ce qu'il y a de paradoxal chez Ensor c'est qu'à partir du moment où sa production ralentie, il a alors une quarantaine d'année, il commence à gagner peu à peu en renommée et il va connaître les honneurs qu'il fustigeait chez ses compatriotes ...
Rédigé par : myriam | 15 janvier 2010 à 14:22
James Ensor, grand anticonformiste, fait preuve d’une imagination fertile, de désirs d’iconoclaste, et de celui de dénoncer les injustices, les hypocrisies de la société bourgeoise de son époque mais aussi tant qu’à faire, ridiculiser l’humanité entière.
Vaste programme de ce peintre moderniste qui veut lâcher toutes les amarres scrutant du haut de son grenier les flots blanchâtres de la mer d’Ostende. Il veut dévoiler la vraie nature de l’homme et son art sera pamphlet de la société. Comme Goya. On aime ou on n’aime pas, mais James Ensor voit le mal, le laid, l’insoutenable l’angoissant et l’expose à travers ses masques et ses squelettes ricanants. Dans la plus pure tradition de Breughel et de Jérôme Bosch. Ses figures fantastiques et ses masques permettent l’explosion des couleurs et la liberté d’expression, loin de toutes les convenances et les modes : « L’artiste est au-dessus des modes et ne craint pas le temps ».
Dans cette exposition magnifique où s’enchaînent toutes les facettes de son œuvre, le pleinairisme, les portraits, le fantastique et les mascarades… on est amené à suivre la genèse de l’œuvre grâce à de magnifiques dessins, esquisses, ébauches préparatoires aux tableaux, et c’est comme si on était invité dans les cuisines d’un grand maître cock pour y humer les secrets. Du jamais vu, et le bonheur de voir à Bruxelles les œuvres du musée Royal d’Anvers, actuellement en travaux. Mon tableau préféré : « la mangeuse d’huîtres » où les couleurs explosent dans les fruits, les verres, les carafes, la pile de livres rouges et la signature flamboyante au bas du tableau. Une toile avant-gardiste qui le reste, car elle séduit par ses combinaisons chromatiques audacieuses. Et partout, de la lumière, non à la manière impressionniste pour créer des impressions mais pour exprimer force et énergie…Et puis l’humour irrésistible et la vérité grinçante de ses masques et autres pantins désarticulés !
Rédigé par : Deashelle | 24 octobre 2010 à 00:33