Pour la première fois en France, le musée Jacquemart-André consacre une exposition à Antoon Van Dyck (1599-1641), peintre unanimement salué au 17ème et au 18ème siècle comme le plus grand portraitiste européen depuis Titien. Oserai-je vous avouer que je ne connaissais jusque là de ce peintre que le fameux tableau de Charles 1er, roi d'Angleterre (1600-1649), dit "Portrait du roi à la chasse", peint vers 1635 (musée du Louvre) pour l'avoir vu dans mes livres d'histoire.
Place donc à la découverte ! La scénographie originale, signée Hubert Le Gall, permet de mettre en valeur les œuvres de Van Dyck en les présentant dans des salles dont les murs ont été recouverts de velours assortis aux couleurs des tableaux exposés. En quelques pas seulement, nous sommes plongés dans l'univers des palais et des demeures bourgeoises du 17ème siècle avec des grandes cheminées et des plafonds à caisson (et même, dans la dernière salle, avec la reconstitution d'un plafond décoré par Rubens !).
Né la même année que Rembrandt en 1599, Van Dyck connaît une carrière courte et éblouissante (de 20 ans à 42 ans). En octobre 1609, il entre en apprentissage chez Hendrick van Balen, peintre d'histoire où il reçoit une solide formation technique. En 1618, il est reçu comme maître à la gilte de Saint-Luc à Anvers et il travaille dans l'atelier de Rubens. En fait, c'est lui qui seconde Rubens, et d'aucuns disent qu'il est sciemment envoyé par celui-ci vers les portraits pour ne pas lui faire d'ombre ...
L'exposition s'ouvre sur les jeunes années de Van Dyck, et déjà ses premiers portraits, qui s'inscrivent dans la grande tradition du portrait flamand, révèlent "son désir d'assouplir et d'animer ses toiles en introduisant une part d'affect qui réchauffe le climat des représentations familiales ou matrimoniales". Jusque là, dans la peinture hollandaise, les portraits étaient austères, les poses figées, les vêtements stricts avec la fraise blanche autour du cou et les visages impassibles. Van Dyck va progressivement y apporter des touches personnelles et très novatrices pour l'époque. Ainsi, dans "Portrait d'homme", peint vers 1620-1621, il abandonne le fond traditionnellement monochrome au profit d'éléments d'architecture paladiens, d'une ouverture vers le ciel et la campagne environnante et d'une tenture rouge vénitien, ce qui aèrent la composition. Autre particularité, il réalise pour un bourgeois, un portrait en pied ce qui était plutôt réservé, jusque là, à l'aristocratie. "Enfin, ce tableau est remarquable par sa densité psychologique et la présence du modèle, accrue par un point de vue abaissé, da sotto in su".
Puis, Van Dyck entreprend un voyage en Italie en 1621 pour approfondir sa connaissance des maîtres italiens (Titien, Raphaël) et il y restera jusqu'en 1627 devenant l’artiste favori de l’élégante société génoise. Son Autoportrait conservé à l'Ermitage le montre "sûr de lui jusqu'à la forfanterie, dialoguant à la fois avec l'art de Raphaël et celui de Titien, incarnant l'Artiste dans la plénitude de ses moyens".
Il rentre à Anvers dans le courant de l'année 1627 et devient le peintre non seulement de la bourgeoisie fortunée d'Anvers, mais également de la noblesse flamande ou brabançonne. Il va être en quelque sorte le metteur en scène de l'ascension sociale de la bourgeoisie, du temps où le manuel de civilité de Baldassare Castiglione, le "Livre du courtisan", faisait fureur pour les gentilshommes.
à suivre ...
Les textes entre guillemets proviennent du catalogue de l'exposition.
C'est effectivement une très belle exposition, à laquelle je ne ferai qu'un minime reproche, celle de se tenir dans des salles aussi exiguës, ce qui cause quelques petits soucis dans les moments de grande affluence (c'était le cas lorsque je m'y suis rendu).
Vous avez suffisamment développé les qualités de portraitiste de van Dyck pour que j'y revienne. La profondeur psychologique de son approche - plus nette, à mon sens, dans ses portraits masculins que féminins - si elle s'inscrit dans une longue tradition flamande remontant au moins à van Eyck constitue une évolution majeure en ce que s'y ajoute une volonté de rendre une dimension affective souvent minorée voire absente dans les représentations officielles.
J'attends la suite de ce billet avec impatience.
Bien cordialement.
Rédigé par : jardinbaroque | 17 janvier 2009 à 11:25
Cher Jardin, oui ! les pièces où ont lieu les expositions temporaires sont un peu exiguës et, par journée d'affluence, il faut patience garder ...
C'est vrai que l'on ressent vraiment cette dimension affective dans ses portraits et cette profondeur psychologique plus dans ses portraits masculins que dans ceux féminins, les femmes qu'il peint apparaissant à chaque fois plus en retrait.
Rédigé par : Laëtitia Delaide | 17 janvier 2009 à 14:25
Les portraits m'émerveillent toujours. Je me demande toujours si le portrait était juste, ou romantisé (c'est pas seulement aujourd'hui qu'on peut photo-shopper) et si le sujet était content, furieux, ou j'en passe.
Pour une fois, je connaissais Van Dyck avant que tu n'en parles, surtout pour sa barbe qui se dit toujours en anglais, la barbichette pointue est une "Van Dyck".
Celui-ci, tu ne connaissais pas ?
http://cjoint.com/data/btt1ezsOYv.htm
Rédigé par : joye | 17 janvier 2009 à 19:53
P.-S. : Tu auras certainement vu :
http://tinyurl.com/87kqcv
Rédigé par : joye | 17 janvier 2009 à 19:54
Bonsoir Joye, ce qui m'a frappé chez Van Dyck, c'est le naturel et certainement la justesse des portraits qu'il peint, avec la dimension psychologique adéquate ... En comparaison, dans ma mémoire, les portraits peints par Nicolas de Largilliere par exemple sont certes remarquables mais ils m'ont semblé plus "stéréotypés" http://www.latribunedelart.com/Expositions%20-%20Nicolas%20de%20Largilliere.htm, pourtant ce superbe portrait "La belle Strasbourgeoise" qui infirme ce que je te dis http://www.jmrw.com/France/Strasbourg/images/La_belle_Strasbourgeoise.jpg
P.-S : Nous avons vu ! chut ! nous préparons un billet ...
Rédigé par : Laëtitia Delaide | 17 janvier 2009 à 22:36
Z'aurez vu qu'Andrew Wyeth est mort hier ?
(je viens de l'apprendre)
http://www.nytimes.com/imagepages/2009/01/17/arts/17deba_CA1.ready.html
Rédigé par : joye | 17 janvier 2009 à 23:16
> Joye, embarqué par Largilliere, j'ai oublié de te répondre, je ne connaissais pas le portrait que tu m'as joint dans ton commentaire.
> Tu me l'apprends, je ne connaissais pas ce peintre, tu vois mon inculture (moi aussi !). Philippe l'avait vu et, comme il a vécu quelques temps à New-York, il connaissait ce peintre.
Rédigé par : Laëtitia Delaide | 18 janvier 2009 à 14:14