L'utilisation de forts contrastes pour mettre en valeur la blanche
ur opaline de la peau féminine est un procédé maintes fois utilisé dans l'histoire de la peinture. Cela devient plus troublant quand, en l'espace de trois cents ans, deux peintres, sans que l'influence ne soit là encore formellement revendiquée pour le second, vont jusqu'à adopter avec leurs modèles féminins les mêmes recettes : portrait de pied avec un fond et un "habillement" d'une extrême sobriété.
Hélène Froment
, femme de Rubens d'un côté et la fameuse Mme X (femme de Pierre Gautreau) de Sargent de l'autre révèlent toutes deux à leur manière leur
sensualité. Hélène Froment incarne la rondeur, la volupté, le visage de face d'une femme qui assume sa nudité avec une mise en valeur presque provocatrice de la poitrine nue sous la pression d'un bras droit la rehaussant. Madame X quant à elle expose, via un découpage plus saillant de l'espace, un visage de profil qui semble fuir inexorablement tout observateur du tableau, un décolleté révélé dans toute sa pâleur, sans relief, par un bustier au noir profond et dessinant comme un grand cœur. Enfin, ce nez pointu légendaire et surtout la posture volontaire, droite, traduisant un caractère certain et accentuant cette distance que le modèle semble vouloir maintenir.
Ces deux formes de sensualité si différentes reposent pourtant sur des procédés picturaux très similaires et sont exemplaires par leur variation autour du noir, du brun et du blanc.
Bonjour Myriam et Philippe,
Voici un rapprochement particulièrement intéressant et bien amené. Comme vous le soulignez très justement, il y a, en dehors de la technique employée pour mettre en valeur le modèle, un abîme entre ces deux œuvres. Autant Rubens me semble offrir une scène d'une sensualité palpitante, autant Sargent, en dépit des audaces de la toile, livre, à mes yeux, un tableau plus désincarné. Il n'est pas question, bien entendu, de dire que l'un des artistes a plus de talent que l'autre, ce qui serait une stupidité; la différence tient, à mon sens, à la possibilité qu'avait Rubens de toucher chaque jour la chair qu'il peint et dont il est, de ce fait, particulièrement en mesure de faire sentir la matière au spectateur, et du caractère fanstamatique que pouvait revêtir "Madame X" pour Sargent, qui lui a donné la consistance à la fois tangible et impalpable qui est celle des rêves.
Bien cordialement.
Rédigé par : jardinbaroque | 27 septembre 2008 à 15:46
Cher Jardin Baroque. C'est vrai qu'en dépit de techniques picturales semblables, les climats sont radicalement différents : on oppose la chaleur à une certaine froideur, la proximité à la distance, la volupté à ce qui ressemble à une forme d'austérité. Le portrait de Madame X est tout de même intriguant parce que finalement assez ambigu.
Rédigé par : Philippe Delaide | 28 septembre 2008 à 22:00