Quand la révolution culturelle réécrit les grands classiques, ça donne ça :
Les Boloss des Belles Lettres et leur ambassadeur, Jean Rochefort, ont crée le buzz ces derniers mois (leurs vidéos sont notamment diffusées sur France 5). Et il y a de quoi ! Imaginez les pages de Molière, Choderlos de Laclos, Zola, ou bien de Saint-Exupéry écrites dans la langue 2.0, avec les codes et les expressions de la "génération Internet". Cela peut paraître ingrat pour certain, mais une vraie révélation pour d'autres...
À l'origine, Les Boloss des Belles Lettres n'utilisaient qu'un seul support qui était leur site Tumblr (site). Mais avec le succès grandissant de leurs réécritures, ils ont publié un livre et ouvert une chaîne YouTube. À l'ère numérique, être visible sur tous les supports s'avère être une nécessité, et permet aussi de fidéliser des publics différents selon les formats. Et finalement, écrire dans la "langue Internet" est la seule manière d'atteindre un public qui aujourd'hui, malheureusement, se détourne de plus en plus de la culture.
Jean Rochefort incarne alors le symbole de ce "gap" entre les uns, aficionados des réseaux sociaux et les autres, défenseurs du livre papier et de la culture dite "classique". Certes, c'est peut-être une réduction simpliste et stéréotypée, mais il faut reconnaître qu'un grand nombre de personnes aujourd'hui ne s'intéresse qu'aux contenus qui sont adaptés à leurs propres codes (hashtags, expressions, etc...). On le voit notamment dans le domaine de la communication ; l'analyse des discours de communication montre que le langage Internet a presque inventé une nouvelle langue. Dorénavant, d'une certaine manière, c'est la culture qui doit venir au public et non plus le public qui doit venir à la culture. D'autant plus que le public est habitué à avoir accès à une information instantanée et le plus souvent gratuite.
À l'image des Boloss des Belles Lettres, il existe dans le registre musical l'émission Eve Ruggieri raconte... sur Radio Classique qui est une autre manière de raconter l'histoire de la musique. Elle rend les oeuvres classiques plus accessibles, loin du ton magistral que pourrait avoir un cours sur les mouvements musicaux et les grands compositeurs. Les anecdotes et les touches d'humour attisent la curiosité du lecteur/auditeur/téléspectateur/internaute ce qui rend immédiatement le contenu plus attirant.
L'entertainment est devenu une norme que l'on ne peut pas ignorer. Ainsi, pour susciter l'intérêt du public, le visuel et le format (dans le cas des vidéos et du livre des Boloss des Belles Lettres) - ce qu'on peut appeler le "packaging" - jouent un rôle très important. Jean Rochefort excelle dans cet exercice puisque les vidéos YouTube deviennent une prestation unique que l'on peut voir directement chez soi. Les nouveaux supports apportent un point de vue différent et créent un nouveau rapport à la culture.
Dans la même perspective, de grandes oeuvres musicales sont revenues au goût du jour grâce à des DJ et des beatmakers qui les ont intégrées à des remix ou en ont fait des instrus. Il faut tout de même rappeler que la musique classique reste une source d'inspiration inépuisable pour les musiciens d'aujourd'hui, qu'ils soient chanteurs, pointures de l'électro ou bien rappeurs. Par exemple Yoann Lemoine, alias Woodkid, représente ce "projet musical" comme le dit France Inter ; il symbolise le pont entre culture classique et culture moderne. Le rappeur américain Meek Mill, quant à lui, fait du Lacrimosa de Mozart l'instru de son morceau Lord Knows. Lacrimosa, tiré du Requiem Mass in D minor, donne une profondeur transcendante au flow de Meek Mill.
En plus du contenu audio, le clip offre aussi une fenêtre ouverte sur l'univers cinématographique étant donné que le morceau a été utilisé dans le film Creed, L'Héritage de Rocky Balboa. Il existe une véritable convergence entre tous les domaines de la culture qui est encore plus manifeste aujourd'hui grâce au relai entre les différents médias.
On peut dès lors parler d'une culture 2.0, qui en gardant le même contenu, parvient à renouveler sa forme. Les spécialistes parlent très souvent d'une "révolution numérique" pour caractériser ce phénomène (révolution qui touche tous les médias). D'ailleurs, Google Books vient d'avoir le feu vert pour continuer son projet tant controversé de créer une bibliothèque numérique, ce qui est l'exemple même d'une forme de culture de plus en plus numérisée.
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